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Comme promis, voici le premier article de l’année 2022, dédié à la réforme de l’assurance-invalidité. Nous traiterons ci-dessous des principaux domaines qui connaissent un changement en 2022. Nous vous rappelons que cette révision met essentiellement l’accent sur le soutien apporté aux jeunes assurés dans le cadre de leur insertion sur le marché de l’emploi ainsi que sur le nouvel échelonnement des rentes.
Expertises médicales (7j et ss OPGA)
La procédure de mise en œuvre des expertises médicales connaît d’importants changements, dont en voici l’essentiel :
- La recherche d’un consensus est nécessaire (extension de ce qui existait déjà auparavant) lorsque l’assuré s’oppose à l’expert désigné.
- Il existera dorénavant une liste publique des experts, qui sera notamment remise à l’assuré dans le cadre de la recherche du consensus.
- Un enregistrement sonore de l’entretien devra être effectué, sauf si l’assuré y renonce. La déclaration de renoncement doit être présentée au plus tard dans les 10 jours après que l’entretien auquel l’assuré veut renoncer a eu lieu (destruction de l’enregistrement si renonciation après l’entretien)
- Les expertises bi-disciplinaires seront dorénavant attribuées sur le même principe que les expertises pluridisciplinaires (3 disciplines et plus), soit à un centre d’expertise désigné aléatoirement par une plateforme informatique fédérale, SuisseMED@P.
Conseils axés sur la réadaptation (3a LAI)
L’office AI propose à la demande des personnes assurées, des employeurs, des médecins traitants et des acteurs du domaine de la formation des entretiens de conseil et des informations générales sur l’assurance-invalidité. Ceci, sans qu’il ne soit nécessaire de déposer une demande. Cela permet, d’une part, d’éviter les communications et les demandes qui ne sont pas nécessaires et, d’autre part, d’accélérer celles qui sont indiquées, afin d’initier plus rapidement l’action de l’AI et d’augmenter ainsi les chances de réadaptation.
Voir aussi : Mémento 4.12.f (avs-ai.ch)
Détection précoce (3a bis et ss LAI, 1ter RAI et ss)
Une annonce peut dorénavant être faite plus rapidement. Il fallait auparavant être en incapacité de travail depuis 30 jours au moins ou de manière répétée durant une année. Dorénavant, il suffit d’être en incapacité de travail ou menacé de l’être pour une longue durée afin qu’une demande de détection précoce puisse être effectuée.
De plus, une demande de détection précoce peut également être déposée pour un jeune assuré, dès 13 ans, s’il est menacé d’invalidité et suivi par une instance cantonale chargée du soutien à l’insertion professionnelle des jeunes.
Formulaire de communication pour jeunes : Détection précoce (admin.ch)
Intervention précoce (art 7d LAI)
Dès 13 ans, les adolescents et jeunes adultes atteints dans leur santé peuvent dorénavant bénéficier de mesures d’intervention précoce. Le but étant de les soutenir dans leur parcours vers une formation professionnelle ou un premier emploi sur le marché primaire du travail.
Types de mesures proposées pendant la scolarité obligatoire :
- Orientation professionnelle sous la forme d’entretiens et de bilans d’orientation (tests, etc)
- Placement : recherche d’emploi ou d’une place de stage ou de formation en vue d'une formation professionnelle initiale après la scolarité obligatoire
Les mesures prises en charge pour les adultes et les jeunes dont la scolarité obligatoire est terminée demeurent inchangées (adaptation du poste de travail, cours de formation, etc)
Conseils et suivis (art 14quater LAI)
La mesure de conseils et suivi destinée à la personne assurée et à son employeur ont pour but d’approfondir, de manière continue, les prestations de conseil déjà fournies par l’office AI dans le cadre de la gestion des cas. Elle permet de maintenir un contact sûr entre l’office AI et la personne assurée.
Ce droit est étendu pour être dorénavant ouvert dès le moment où la personne assurée peut prétendre à une mesure de réadaptation (même si celle-ci n’a pas encore débuté) et jusqu’à 3 ans après la fin de cette mesure.
Mesures de réinsertion préparant à la réadaptation (14a LAI et 4quater et ss RAI)
Le droit à cette prestation est étendu aux personnes sans activité lucrative âgées de moins de 25 ans, lorsqu’elles sont menacées d’invalidité.
De plus, il faut dorénavant pouvoir assurer un temps de présence minimum de 8h par semaine (au lieu de 2h par jour durant 4 jours par semaine) pour que cette mesure puisse être mise en place.
Les mesures de réinsertion destinées aux jeunes visent à développer et à stabiliser la capacité de présence et de rendement et la personnalité. Elles y parviennent grâce à des expériences positives et axées sur l’autonomie ainsi qu’à des moments de stabilisation et de réflexion.
Mesures préparatoires d’orientation professionnelle (15 LAI)
Grâce au soutien qui leur est offert à travers l’orientation professionnelle, les personnes assurées identifient des formations qui correspondent à leur âge, leur niveau de développement, leurs aptitudes et leurs intérêts, et qu’elles sont en mesure de suivre. Elles visent à vérifier dans la pratique les types de formations possibles, à tester l’aptitude de la personne assurée, et à l’accoutumer aux exigences du marché primaire du travail afin de faciliter l’entrée en formation.
Dans la mesure du possible, les mesures préparatoires durant l’orientation professionnelle sont accomplies sous forme de stages sur le marché primaire du travail. elles sont limitées à 12 mois.
Offres transitoires cantonales spécialisées
Avec cette mesure, les adolescents et jeunes adultes comblent leurs lacunes scolaires, réfléchissent au choix professionnel et continuent de renforcer leur capacité de présence et de rendement afin de pouvoir commencer une formation professionnelle.
Cette mesure est destinée aux personnes qui ont :
- achevé la scolarité obligatoire,
- moins de 25 ans
- besoin d’un soutien scolaire pour débuter une formation professionnelle initiale et, éventuellement, d’un accompagnement intensifié en vue de son choix professionnel,
Indemnités journalières (art. 22 RAI)
La petite indemnité journalière disparaitra pour être remplacée par des conditions spéciales d’octroi de l’indemnité pour les assurés jeunes. Ceci, pour plus d’équité entre les revenus perçus par un assuré au bénéfice d’une mesure AI et celui qui ne l’est pas.
Voici en résumé les principales règles pour le versement des indemnités journalières des jeunes assurés :
- L’indemnité journalière n’est versée que durant l’exécution d’une mesure de formation professionnelle initiale (16 LAI), et varie en fonction du type de formation :
- En apprentissage: L’indemnité correspondra au salaire qui aurait été versé à un jeune, sans atteinte, qui entreprend une formation équivalente. Elle sera versée à l’employeur s’il verse un salaire correspondant au niveau usuel de la branche. Si le salaire prévu est inférieur ou inexistant, une indemnité correspondante au revenu moyen des personnes du même âge en formation sera versée à l’assuré
- Dans des écoles : Les formations qui se déroulent uniquement dans des écoles générales ou professionnelles ne donne pas droit à une indemnité journalière. Si l’assuré effectue une formation dans une haute école, il peut prétendre à une indemnité journalière qui correspond au revenu médian mensuel des étudiants qui fréquentes ces établissements, soit 583 francs par mois, selon l’Office fédéral de la statistique.
- Pour les personnes de plus de 25 ans, l’indemnité correspond au montant maximum de la rente de vieillesse, soit CHF 2'390.00 par mois, si les conditions d’octroi sont remplies.
- A noter que des indemnités forfaitaires sont également prévues durant une mesure de préparation ciblée à la formation professionnelle initiale et les mesures préparatoires à une activité auxiliaire ou en atelier protégé.
- Le droit à l’indemnité débutera dès le début de la formation (avant dès le mois qui suit les 18 ans).
- L’indemnité journalière d’attente n’existera plus avant une formation professionnelle initiale.
Prolongation du droit à l’indemnité de chômage
Actuellement dans l’assurance-chômage, les personnes libérées du délai-cadre de cotisation peuvent percevoir au plus 90 indemnités. Avec la réforme, celles qui seront libérées en raison de la suppression d’une rente d’invalidité pourront prétendre à 180 indemnités. L’AI prendra en charge les coûts de cette extension du droit (dès le 91ème jour).
Couverture accident
Les personnes qui participent à des mesures AI seront dorénavant toutes assurées à titre obligatoire à l’assurance-accident directement par l’AI qui pourra par ailleurs déduire directement de l’indemnité journalière au maximum deux tiers de la prime pour les accidents non professionnels.
Location de service (18a bis)
Il s’agit d’une nouvelle mesure de réadaptation professionnelle
L’office AI peut faire appel à une entreprise de location de services (bailleur de services) autorisée en vertu de la loi fédérale du 6 octobre 1989 sur le service de l’emploi et la location de services15 ou dispensée d’autorisation en raison de son activité d’utilité publique, pour favoriser l’accès de l’assuré au marché du travail.
Le bailleur de services doit disposer de compétences spécialisées dans le placement de personnes ayant des problèmes de santé.
L’assurance octroie au bailleur de services une indemnité qui couvre:
- la rémunération des prestations qu’il a effectuées conformément à la convention de prestations;
- les coûts supplémentaires, dus à l’état de santé de l’assuré, des cotisations à la prévoyance professionnelle et des primes à l’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie.
Le montant de l’indemnité est fixé dans la convention de prestations. Celle-ci peut prévoir une indemnisation particulière du bailleur de services en cas de placement réussi après la location de services. Le montant maximal de l’indemnité totale est de 12 500 francs par assuré.
Une indemnité est en outre versée au bailleur de services si, durant l’exécution de la mesure, l’assuré est absent pour cause de maladie pendant plus de deux jours ouvrables consécutifs. L’indemnité est versée à partir du troisième jour d’absence, pour autant que le bailleur de services continue de verser un salaire à l’assuré ou qu’une assurance pour perte de gain accorde des prestations à ce dernier.
L’indemnité s’élève à:
- 48 francs par jour d’absence dans les entreprises employant jusqu’à 50 collaborateurs;
- 34 francs par jour d’absence dans les entreprises employant plus de 50 collaborateurs.
Le droit à une indemnité s’éteint au plus tard à la fin des rapports de travail. Le décompte de cette indemnité est établi au plus tôt après cette date.
L’office AI décide de la durée nécessaire de la mesure. Celle-ci ne peut toutefois dépasser un an. Les indemnités sont versées directement au bailleur de services par la Centrale de compensation.
Mesures médicales (art 13-14 LAI)
Une adaptation de l’ordonnance sur les infirmités congénitales entrera en vigueur au 1er janvier 2022. Cette liste n’avait plus été révisée depuis 1985 et sera donc mise en conformité. En conséquence, certaines maladies rares y seront intégrées mais, à l’inverse, des maladies qui peuvent être traitées plus simplement grâce à la technologie médicale d’aujourd’hui seront retirées pour être prises en charge par l’assurance-maladie.
A l’origine, en 1960, l’AI prenait en charge les infirmités congénitales car il n’existait pas d’assurance-maladie obligatoire. C’est donc afin de combler une lacune historique que cette prestation existe.
Avec la nouvelle loi, l’article 13 LAI précisera les critères pour qu’une infirmité congénitale puisse être intégrée à l’ordonnance. Des précisions figureront dans le RAI. Les critères sont les suivants :
- faire l’objet d’un diagnostic posé par un médecin spécialiste ;
- engendrer une atteinte à la santé ;
- présenter un certain degré de gravité ;
- nécessiter un traitement de longue durée ou complexe, et
- pouvoir être traitées par des mesures médicales
Les mesures médicales de réadaptation pourront être octroyées jusqu’à l’âge de 25 ans au lieu de 20 ans.
Contribution d’assistance (art. 39f RAI)
Le montant du forfait pour la nuit accordé dans le cadre de cette prestation est augmenté à CHF 160.50.
Système des rentes linéaires (art. 28b LAI)
Afin d’inciter une reprise d’une activité lucrative, un système linéaire de rentes est introduit. Dorénavant, les fractions de rentes n’existent plus. Il s’agit d’un taux de rente proportionnel à la rente entière.
Ce qui ne change pas : un degré d’invalidité inférieur à 40% ne donne pas droit à une rente et un degré d’invalidité supérieur à 70% donne droit à une rente entière (100%).
Ce qui change :
- un degré d’invalidité de 40% donne droit à 25% du montant de la rente entière puis chaque pourcentage supplémentaire donne droit à 2.5% de rente en plus. Ceci, jusqu’à 50%.
- Un degré d’invalidité entre 50% et 69% donne droit au même taux de rente que le degré d’invalidité qui en résulte (62% = 62% du montant de la rente entière)
Taux d’invalidité |
Pondération pour la rente |
40% |
25% |
41% |
27.5% |
42% |
30% |
43% |
32.5% |
44% |
35% |
45% |
37.5% |
46% |
40% |
47% |
42.5% |
48% |
45% |
49% |
47.5% |
50% – 69% |
50% - 69% |
70% - 100% |
100% |
Quid des rentes en cours ?
- Les rentes en cours seront maintenues jusqu’à ce qu’une révision établisse un changement du degré d’invalidité de 5% au moins. Les assurés de 55 ans et plus au moment de la réforme (1erjanvier 2022) ne sont pas concernés et garderont les droits acquis.
- Les rentes des moins de 30 ans seront transposées dans le nouveau système au plus tard dans les 10 ans.
Mise en parallèle des revenus
Si le revenu sans invalidité réalisé avant l’atteinte est inférieur de plus de 5% au salaire usuel dans la branche, les revenus seront dorénavant « parallélisés » afin d’éviter que le degré d’invalidité ne soit impacté par un facteur étranger à l’atteinte à la santé.
Cette règle ne sera néanmoins pas appliquée aux indépendants ou aux personnes dont le salaire correspond à une CCT.
Qu’est-ce que la mise en parallèle des revenus ?
Il s’agit de compenser la différence entre le salaire usuel de la branche et celui que percevait effectivement la personne assurée. Seule la partie excédant les 5% de différence est prise en compte. Ainsi, si la différence par rapport au salaire usuel est de 15%, le salaire sera corrigé de 10%.
Exemple
Un assuré qui travaillant comme ouvrier du bâtiment percevait un revenu annuel avant son atteinte de CHF 56'104.00. le revenu usuel dans la branche selon l’Office fédéral de la statistique est de CHF 68'592.00. Aujourd'hui, il peut encore prétendre à un salaire de 34'200 francs.
Différence par rapport au salaire usuel :
Revenu usuel de la branche : 68'592.00
- Revenu perçu effectivement : 56'104.00
= différence : 12’480.00, soit 18.2% (12'480 x 68592 / 100)
La part à prendre en compte correspond à celle qui excède 5% de différence, soit 13.2% (18.2 – 5)
Revenu sans invalidité déterminant après la parallélisation :
56'104 = 86.8% du salaire à prendre en compte ( 100% - 13.2%)
56'104 / 86.8 x 100 = 64'635.95.
Calcul du degré d'invalidité sans parallélisation des revenus
Revenu sans atteinte à la santé : 56'104.00
- Revenu avec atteinte à la santé : 34'200.00
= Préjudice économique : 21'904.00
soit un degré d'invalidité de 39% ce qui n'ouvre pas le droit à une rente
Calcul du degré d'invalidité avec parallélisation des revenus
Revenu sans atteinte à la santé : 64'636.00
- Revenu avec atteinte à la santé : 34'200.00
= Préjudice économique : 30'436.00
soit un degré d'invalidité de 47% ce qui donne droit à une rente de 42.5%
16.01.2022/TR