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Introduction

Depuis l’entrée en vigueur du développement continu de l’assurance-invalidité en janvier 2022, il paraîtrait que la loi fédérale sur l’assurance accidents  comprendrait une quatrième branche de couverture d’assurance.

Une nouvelle couverture accident aurait donc été introduite. A savoir que les bénéficiaires AI en mesures de réadaptation professionnelles bénéficieraient d’une couverture accident seulement depuis le 1er janvier 2022, laissant entendre qu’auparavant, il n’existait pas de couverture accidents pour les bénéficiaires AI.

En tout cas, c’est ce qui semble ressortir du message du Conseil fédéral du 15 février 2017 concernant le développement continu sous le chiffre 1.2.4.2 :

Lorsqu’un accident survient dans le cadre d’une mesure de réadaptation, la réglementation actuelle prévoit le remboursement des frais de guérison par l’AOS et, lorsque la mesure de réadaptation est suspendue, une aide financière à court terme sous la forme d’indemnités journalières de l’AI. Par contre, il n’existe pas de protection d’assurance complète à long terme. En outre, il est peu compréhensible pour les employeurs et les assurés que les employés d’une entreprise et les assurés qui y suivent une mesure de réadaptation soient soumis à une couverture d’assurance-accidents différente. Dans le cadre de la révision 6a, il était prévu d’introduire, au niveau de l’ordonnance, une couverture d’assurance en cas d’accident pour les placements à l’essai (art. 18a LAI). Il était question que l’AI supporte tous les coûts et obligations incombant habituellement à l’employeur. Faute de base légale correspondante, ce projet n’a cependant pas été mis en œuvre.

L’article 1a, al. 1 LAA a donc été modifié par l’introduction  d’une nouvelle lettre C. Cet article se présente dorénavant ainsi :

Sont assurés à titre obligatoire conformément à la présente loi:

  1. les travailleurs occupés en Suisse, y compris les travailleurs à domicile, les apprentis, les stagiaires, les volontaires ainsi que les personnes travaillant dans des écoles de métiers ou des ateliers protégés;
  2. les personnes qui remplissent les conditions visées à l’art. 8 de la loi du 25 juin 1982 sur l’assurance-chômage (LACI) ou qui perçoivent des indemnités en vertu de l’art. 29 LACI (personnes au chômage);
  3. les personnes qui participent à des mesures de l’assurance-invalidité dans un établissement ou un atelier au sens de l’art. 27, al. 1, de la loi fédérale du 19 juin 1959 sur l’assurance-invalidité (LAI) ou dans une entreprise, dès lors que leur situation est analogue à celle qui résulterait d’un contrat de travail.

Nous ne partageons pas cette manière de voir les choses. Nous pensons que les bénéficiaires AI ont toujours été couverts en cas d’accidents dans le cadre des mesures de réadaptation sur la base de l’article 1a, al. 1, let. a LAA.

Cet article a pour objectif d’en faire la démonstration.

 

Historique

Force est d’admettre que la question de la couverture du risque accidents des bénéficiaires AI a de temps en temps été remise en question par certains assureurs accidents mais jamais à notre connaissance par la SUVA.

Avec l’entrée en vigueur de la 6ème révision (en 2012), la couverture accidents des bénéficiaires AI a commencé à poser plus de problèmes. En effet, il avait été décidé que, dans le cadre de la nouvelle mesure de placement à l’essai, le bénéficiaire AI n’était pas couvert contre les accidents professionnels et non professionnels. Ceci, afin de réduire au maximum la charge financière du prestataire (l’employeur). Petit à petit, sur la base d’informations erronées, de plus en plus d’assureurs accidents ont contesté la validité d’une couverture du risque accident pour les bénéficiaires AI.

Durant toutes ces années, nous nous sommes toujours opposés, avec d’autres, à cette analyse mais en vain.

 

Argumentation

Il nous semblait pourtant que la loi était claire et ne laissait peu de place à une interprétation quelconque. Ceci, déjà sur la base de l’article 1a, al. 1, let a LAA précisant que les stagiaires étaient couverts. Nous n’avons jamais compris pourquoi, pour certains assureurs, les bénéficiaires AI ne pouvaient pas être considérés comme des stagiaires alors que manifestement ils pouvaient remplir toutes les conditions qui définissent le statut de stagiaire : 

  • Être dans un rapport analogue à un contrat de travail
  • Existence d’un rapport de subordination
  • Exercer une activité avec un intérêt économique pour l’entreprise.

Nous pouvons encore citer l’article 1a, al. 1 OLAA indiquant que les personnes qui exercent une activité auprès d’un employeur afin de se préparer au choix d’une profession sont également assurés à titre obligatoire, ce qui pouvait être le cas pour des bénéficiaires AI.

Il y a encore L’article 22 alinéa 3bis OLAA qui précise :

Si un assuré avait droit avant l’accident à une indemnité journalière conformément à la loi fédérale du l’assurance-invalidité, l’indemnité journalière correspond au moins au montant total de celle allouée par l’AI, mais au plus à 80 % du montant maximum du gain assuré selon l’al. 1.

Pourquoi alors une telle règle de coordination existerait-elle si on part du principe que les bénéficiaires AI ne sont pas couverts contre les accidents ?

Le Tribunal Fédéral a eu plusieurs fois l’occasion de se déterminer sur l’admission de la couverture accidents pour des stagiaires en général mais à une seule reprise pour un bénéficiaire AI.

Il s’agit de l’arrêt du 4 décembre 2018 (8C_324/2018)

En substance, on avait à faire à un assuré AI au bénéfice d’un placement à l’essai auprès d’une entreprise qui durant la mesure a subi un accident.

La SUVA, assureur de l’entreprise, sur la base de ce qui avait été décidé lors de l’entrée en vigueur de la 6ème révision a refusé de prendre en charge le cas.

Le recours de l’assuré contre la décision sur opposition de la SUVA a été admis par arrêt du 15 mars 2018 par la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois.

La SUVA était donc tenue de prendre en charge les suites de l’accident.

Le Tribunal fédéral a confirmé la décision de l’instance inférieure.

Force est de constater que manifestement, sans ambiguïté pour les juges du Tribunal vaudois comme du Tribunal fédéral, un bénéficiaire AI pouvait être couvert pour le risque accident durant une mesure de réadaptation prise en charge par l’AI.

Le TF rappelle que sur la base de l’article 1a al. 1 LAA qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un contrat de travail pour avoir la qualité de travailleur. Que la qualité de travailleur doit être déterminée à la lumière de l’ensemble des circonstances économiques du cas d’espèce.

Le TF précise encore qu’il ne faut pas perdre de vue que la LAA, dans la perspective d’une couverture d’assurance la plus globale possible, inclut également des personnes qui en l’absence de rémunération ne peuvent pas être qualifiées de travailleurs tels que les volontaires ou les stagiaires. La notion de travailleur est par conséquent bien plus large que celle que l’on rencontre en droit du travail.

Ensuite, le TF fait la démonstration qu’il n’existe aucune base légale qui justifie que dans le cadre d’un placement à l’essai (18a LAI) un bénéficiaire AI ne pourrait pas être couvert du risque accident.

Le TF a encore analysé le message du Conseil fédéral relatif à la 6ème révision de l’AI premier volet :

1.Les personnes qui suivent une formation professionnelle initiale ou un reclassement au sens des art. 16 et 17 de la loi fédérale du 19 juin 1959 sur l'assurance-invalidité (...) et qui exercent dans ce cadre une activité au sein d'une entreprise sont assurées à titre obligatoire en vertu de la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'assurance-accidents (...), car ce sont des travailleurs au sens de l'art. 1a LAA. Mais il n'en va pas de même des personnes qui accomplissent des mesures de réadaptation (mesure de réinsertion, placement à l'essai) sur le marché ordinaire de l'emploi. Une couverture accidents uniforme serait certes plus simple et plus compréhensible pour tous, mais elle ne contribuerait pas à la réadaptation. En effet, si les entreprises devaient assumer également le risque d'accidents, pour les personnes qui accomplissent en leur sein des mesures de réadaptation, elles devraient s'attendre à supporter, en cas d'accident, un malus en plus des primes obligatoires. Une telle perspective réduit la disponibilité à accueillir des personnes dans l'entreprise pour des mesures de réadaptation.

  1. Après un débat long et controversé dans le cadre du premier volet de la 6 e révision de l'AI (révision 6a), il a été inscrit dans la loi que le placement à l'essai, mis en place par le Parlement en tant que mesure de réadaptation d'ordre professionnel, ne fait pas naître de rapport de travail, et n'implique aucun assujettissement direct à la LAA pour la personne concernée. Le Conseil fédéral, qui reste persuadé de la nécessité d'une solution légale, envisage une couverture accidents pour toutes les personnes qui accomplissent des mesures de réadaptation au sein d'une entreprise. Pour éviter de dissuader les entreprises disposées à accueillir ces personnes, il importe de trouver une solution qui ne leur fasse pas supporter le risque de prime. Le financement des primes doit donc être assumé par l'assurance-invalidité, comme cela avait déjà été proposé dans le cadre de la révision 6a. Une base légale devra ainsi être créée dans le cadre de la stratégie AI en cours d'élaboration. L'assujettissement à la LAA des personnes qui accomplissent les mesures de réadaptation sur le marché ordinaire de l'emploi pourrait être réglé au niveau de l'ordonnance. L'inclusion de cette mesure dans la révision partielle de la LAA du 19 septembre 2014 ne s'imposait donc pas."

Selon le TF, on ne peut cependant pas déduire de ces textes que le législateur entendait exclure de l'assurance les personnes au bénéfice d'un placement à l'essai. Bien au contraire, le Conseil fédéral a clairement indiqué dans son message que celles-ci seraient obligatoirement assurées pendant le placement à l'essai. Le fait que les modalités de cette obligation (prise en charge des primes) n'ont pas été concrétisées à ce jour par voie d'ordonnance ne saurait être décisif. En effet, toute autorité appelée à appliquer le droit se doit de respecter les principes de la primauté de la loi et de la hiérarchie des normes. Dans le cas particulier, c'est donc en premier lieu au regard de la loi et de la jurisprudence qui s'y rapporte qu'il convient de décider si une personne est ou non assurée. Or, comme on l'a vu, au regard de l'art. 1a LAA et de la jurisprudence.

Force est de constater que l’argumentation du TF, tel qu'il ressort de cet arrêt, bien qu’il traite de la couverture du risque accident dans le cadre de la mesure de placement à l’essai, est également valable pour les autres mesures de réadaptation AI.

Compte tenu de ce qui précède, il nous semble difficilement défendable que depuis le développement continu de l'AI, une nouvelle couverture d’assurance-accidents aurait été introduite à l’intention des assurés AI qui sont au bénéfice de mesure de réadaptation AI. Tout au plus, l’ajout sous la lettre c de l’article 1a al. 1 LAA ne fait que confirmer que les assurés AI peuvent être couverts du risque accident durant une mesure de réadaptation AI.

A notre sens cet ajout ne dit rien d’autre de ce que l’on peut lire à la lettre a du même article. La seule différence, est que le terme « stagiaire » est remplacé par « une situation analogue à celle qui résulterait d’un contrat de travail » qui définit le statut de stagiaire.

Le développement continu AI a malgré tout amené un véritable changement concernant la prise en charge de la prime de l’assurance accident. En effet, celle-ci est dès le 1er janvier 2022 prise en charge par l’assurance invalidité sous certaines conditions et c’est la SUVA qui devient l’assureur accidents de l’AI.

L’OFAS a d’ailleurs publié le guide AA-AI qui définit de quelle manière l’assuré en mesure est couvert et auprès de quelle assureur accident. En voici un extrait :

Concernant la question de la couverture d’assurance dans le cadre des mesures de réadaptation de l’AI, le schéma décisionnel suivant s’applique. Pour évaluer la couverture d’assurance-accidents, il convient de déterminer au cas par cas si la mesure de l’AI accomplie par un assuré remplit les conditions suivantes :

  1. La mesure de l’AI est-elle mise en œuvre dans le cadre d’un contrat de travail, d’apprentissage ou de formation ?
  2. Si oui : les accidents sont couverts par l’assurance-accidents de l’employeur.
  3. Si non : passer au point 2.
  4. Le contenu et l’objectif de la mesure concrète de l’AI justifient-ils une situation analogue à celle qui résulterait d’un contrat de travail conformément aux critères établis par la jurisprudence citée au point 1.1. (la mesure peut s’appliquer au sein d’un établissement ou atelier au sens de l’art. 27 LAI ou au sein d’une entreprise) ?
  5. Si oui : les accidents sont couverts par la CNA dans le cadre de l’AA AI.
  6. Si non : passer au point 3.
  7. La mesure est-elle mise en œuvre dans le cadre d’une activité dans un atelier pour invalides ou de réadaptation en vertu de l’art. 84 LAA?
  8. Si oui : les accidents sont couverts par la CNA dans le cadre de l’atelier.
  9. Si non : passer au point 4.
  10. La personne doit être assurée contre le risque d’accidents conformément à la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal).

Pas simple n’est-ce pas ? ce sera l’occasion de revenir sur cet aspect particulier dans un prochain article 😊.

 

Nous tenons à adresser nos vifs remerciements à Guy Geiser, co-auteur de cet article.

A lire aussi : Assurance-accidents pour les personnes participant à des mesures de l’AI - Soziale Sicherheit CHSS (soziale-sicherheit-chss.ch)