Qu'est-ce qu'un frontalier ?
Commençons par le commencement : Les frontaliers ont un statut bien particulier en matière d’imposition fiscale et d’assurances sociales.
D’un point de vue fiscal :
- Un frontalier qui retourne chaque jour à son domicile (en France par exemple) ne sera, dans le canton de Vaud, pas soumis à l’impôt à la source. En effet, ce canton a signé une convention pour obtenir une rétrocession directement par le fisc français.
- Un frontalier qui retourne uniquement le week-end en France aura alors sa résidence principale en Suisse et se verra prélever un impôt à la source sur l’entier de ses revenus.
D’un point de vue des assurances sociales :
Le principe général veut qu’une personne soit affiliée sur son lieu de travail.
Quelques exceptions existent toutefois, sinon ce ne serait pas drôle !
- Si une personne réalise une partie substantielle de son activité (ça veut dire au moins 25 %) dans son pays de résidence, alors c’est le pays de résidence qui est déterminant pour l’affiliation.
Quid alors du télétravail, devenu monnaie courante depuis le COVID ?
Depuis le 1er juillet 2023, la donne a changé, un nouvel accord a été signé pour régler cette problématique.
Assujettissement du travailleur frontalier
Source : bulletin n° 470 AVS/PC
La Suisse a récemment signé un accord multilatéral qui facilite le télétravail pour les personnes résidant dans certains États de l'UE ou de l'AELE. L'accord est applicable à partir du 1er juillet 2023. L'accord multilatéral permet de déroger à la règle des 25 % que nous vous avons exposée en introduction, mais uniquement pour le télétravail transfrontalier effectué dans certains États de résidence.
L'accord prévoit que les personnes travaillant dans l'État où se trouve le siège de l'employeur peuvent effectuer jusqu'à 50 % de télétravail transfrontalier (au maximum 49,9 % du temps de travail) depuis leur État de résidence, en principe en utilisant des moyens informatiques, tout en maintenant la compétence de l'État du siège de l'employeur pour les assurances sociales. Pour le calcul des 50 %, la situation prévue pour les 12 mois civils à venir est à prendre en compte. Le seuil peut ainsi être dépassé pendant un mois ou une semaine, si cela s'équilibre sur l'année. Une condition d'application de l'accord est que l'alternance entre le télétravail dans l’État de résidence et le travail sur place se fasse avec une certaine régularité. Lorsqu’une personne a plusieurs employeurs en Suisse, la limite de 50 % s'applique à l'ensemble du temps de travail chez tous les employeurs.
Pour que l'accord soit applicable, l'État de l'employeur et celui où se trouve la résidence du travailleur doivent tous deux avoir signé l'accord. Une liste des États concernés et le texte de l'accord (en anglais) sont disponibles sur Cross-border telework in the EU, the EEA and Switzerland | Federal Public Service - Social Security (belgium.be).
L'accord multilatéral ne s'applique qu'aux personnes auxquelles l'accord sur la libre circulation des personnes avec l'UE resp. la convention AELE est applicable. Il ne se limite pas aux travailleurs frontaliers (permis G), mais englobe tous les groupes de personnes en situation de télétravail transfrontalier qui sont couverts par l'accord.
Les allocations familiales pour les frontaliers
Un seul des deux parents peut toucher l’allocation familiale. Un ordre de priorité est défini. Si le conjoint domicilié dans un pays de l’UE est prioritaire, alors le frontalier peut demander le versement de la différence si l’allocation familiale du canton de travail serait supérieure à celle versée à l’autre conjoint.
Si le conjoint qui ne travaille pas en Suisse ne donne pas droit à l’allocation, le frontalier peut obtenir une allocation familiale complète si les conditions sont réunies.
Le chômage d’un frontalier
Une personne qui perd son emploi en Suisse et qui n’en a pas d’autre bénéficiera du chômage dans son pays de résidence (oui, même s'il a cotisé au chômage en Suisse). Un Français devra donc s’inscrire à Pôle emploi.
Toutefois, si une autre activité est exercée en Suisse et que cette dernière se poursuit, il est alors possible de s’inscrire au chômage suisse pour la part d’activité perdue.
Le maintien de la LPP (article 47a) pour un frontalier
Les frontaliers qui perdent leur emploi en Suisse après avoir atteint l’âge de 58 ans peuvent-ils maintenir leur assurance auprès de leur institution de prévoyance en vertu de l’art. 47a LPP ?
La question de savoir si un frontalier ayant perdu son emploi en Suisse peut maintenir sa prévoyance auprès de son institution de prévoyance en vertu de l’art. 47a LPP a été adressée à l'OFAS à plusieurs reprises.
Le lieu de résidence et la nationalité de l’assuré ne sont pas des critères d’assujettissement à la prévoyance professionnelle selon la LPP.
Cependant, les dispositions de la LPP ne s’appliquent qu’aux personnes également assurées auprès de l’assurance-vieillesse et survivants fédérale (AVS) (selon la disposition expresse de l’art. 5, al. 1, LPP).
Par conséquent, comme l’art. 47a LPP n’est applicable qu’aux personnes encore assurées à l’AVS, seules celles qui le sont peuvent maintenir leur prévoyance.
Ainsi, les frontaliers n’étant en principe plus assurés à l’AVS suisse après la perte de leur emploi en Suisse, ils ne peuvent pas non plus maintenir leur prévoyance professionnelle suisse en vertu de l’art. 47a LPP. Ce principe s’applique également au maintien facultatif de la prévoyance en vertu de l’art. 47 LPP, qui existe depuis longtemps.
La retraite d’un frontalier
Une question épineuse ! Un frontalier qui a cotisé aux deux systèmes de sécurité sociale doit impérativement faire quelques démarches réflexives pour éviter de coûteuses surprises.
- Si une rente française est perçue, le frontalier sera alors (sans choix) imposé à la CSG.
- S’il n’existe pas de droit à la rente française ou que le frontalier y renonce, il sera alors imposé d’office à la LAMAL (montant forfaitaire). Ils peuvent également, dans les trois mois qui suivent la retraite, choisir la CMU (prime en % des revenus).
Petite aparté pour faire mousser les Suisses : la prime LAMAL d’un frontalier est de 162 francs pour la moins chère avec une franchise de 300 francs 😊. Et en plus ! Il a la carte vitale qui lui permet d’être soigné en France comme en Suisse.
Mais revenons à nos moutons : lorsqu'on est frontalier, on doit aussi se questionner sur l’éventualité d’un retrait de son capital LPP. En France, par exemple, les capitaux de prévoyance sont imposés à un taux fixe de 6,75 %. Un retrait d’une partie de son capital peut donc éviter de se retrouver dans une fourchette d’impôts trop élevée car on est plus rapidement considéré comme un contribuable aisé dans certains pays dont le niveau de vie est inférieur au nôtre. Les plus prudents recommanderont de faire cette réflexion tout en s’assurant une sécurité au niveau du revenu afin de garantir son train de vie… à vie (mais le niveau de vie étant souvent inférieur, les besoins sont moins importants qu’en Suisse).
Bref, le système des assurances sociales est déjà complexe en Suisse, alors imaginez quand le reste du monde s’en mêle… Du coup on va s’arrêter là pour aujourd’hui !
On en profite pour vous souhaiter de belles vacances (dans une zone frontalière ou non) et un bel été que l’on vous souhaite reposant et frais !